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#7 Happycrasie ou hypocrisie? Vers une spiritualité et un développement personnel de résistant.

Cher(e)s coudpains et coudspines résistants,

Est-ce que pour vous aussi, accros de bobines et d’aiguilles, la couture est, comme d’autres activités telles que le yoga, la méditation, les promenades dans la forêt, le dessin ou autre, une manière de prendre un moment pour vous, de vous arrêter, de réfléchir? En d’autres termes, une manière de vous développer personnellement?


Personnellement, je suis une vraie hippie pour qui les salutations au soleil, les exercices de pleine conscience ou encore les câlins aux arbres n’ont plus de secret (ou presque). Grande défenderesse de la loi de l’attraction et pratiquante de la pensée positive, mes livres de développement personnels aka “Les 4 Accords Toltèques : la voie vers la liberté” de Miguel Ruiz et “Kilomètre 0” par Maud Ankaoua sont usés, noircis d’annotations et ont fait l’objet de nombreuses réflexions profondes et de résumés minutieux dans mes journaux intimes.


Et pourtant, pourtant j’ai récemment, au cours d’une énième escapade dans le monde littéraire (et podcastaire, si ceci est un mot) activiste et résistant été bousculée dans ces croyances. Dans le blog post de ce soir j’avais à coeur de vous partager ces réflexions (que j’espère) fructueuses pour vous aider à faire le tri dans ce vaste monde du développement personnel et d’évoluer, ensemble, vers une spiritualité de résistant qui fait sens et qui est utile à la lutte écologique.


Ces derniers mois, j’ai effectivement senti mes fondations, si solides et soigneusement réfléchies et mises en pratique au cours de longues années, trembler en me renseignant au sujet de l’Happycratie et de la fuite spirituelle. Ces deux termes désigneraient les dangers du développement personnel qui sont, à mes yeux, importants à prendre en considération afin de ne pas tomber dans leurs pièges.


La notion de Happycratie désigne “le marché du bonheur” qui a connu un essor exorbitant ces dernières années, proposant ateliers, programmes, livres, kits et autres outils dédiés à la pensée positive. Le podcast d’Homo Ethicus (#10 #Développement personnel : futur de l’humanité ou escroquerie ?”) en fait une fine analyse en soulignant les logiques capitalistes et le danger individualisant que sous-tend ce marché. Je vous renvoie au blogpost précédent (“Pourquoi nous ne sauverons pas le monde de derrière nos machines….ou justement si!” https://www.jointhecoutureclub.com/post/pourquoi-nous-ne-sauverons-pas-le-monde-de-derri%C3%A8re-nos-machines-ou-justement-si) pour une réflexion sur l’action individuelle et sa juste place dans la lutte écologique, mais la logique reste la même.


En effet, faire des individus les seuls responsables de leur bonheur en les nourrissant de mythes et légendes d’omnipotence, d’excellence, d’optimisation totale et de meilleure (toujours meilleur, toujours encore et encore) version de soi à coup de discipline de fer, de volonté et de programmes coûteux de happines-management oblitère toute réflexion collective et systémique sur les structures d’oppression et la société capitaliste d’aujourd’hui. Cette sociétéqui, à juste titre, fait qu’il est tout à fait légitime de galérer et de ne pas toujours être happy happy happy à 100%.


Car il est important de prendre conscience qu’il s’agit d’un réel marché du bonheur dans le sens où derrière tous ces produits et outils, se cache un groupe de personnes qui s’en met plein les poches …et donc aussi à maintenir les consommateurs dans un état de demande envers ces produits, soutenus par l’idée qu’ils sont les seuls responsables de leur bonheur et donc également de leur malheur . Home ethicus illustre cette problématique avec un exemple éloquent : “Si vous êtes au chômage, ce n’est pas le contexte socio-économique, mais parce que vous n'avez pas assez pratiqué de pensée positive ou parce que vous n’avez pas suivi de formation de gestion de soi”. Comme il le résume : le marché et le système vendent (et souvent pas à petit prix) les solutions aux problèmes qu’ils créent sans s’attaquer au problème lui-même.


La seconde notionde “fuite spirituelle” désigne l’une des stratégies adoptées par des individus face aux soucis environnementaux. En effet, là où certains décident de prendre la fuite physique (par exemple, aller élever des chèvres dans le Larzac en pensant s’extraire du système et se sauver soi-même), d’autres la prennent “mentalement” en s’engouffrant dans la pensée positive, l’Univers, le karma ou autre. Attention, il ne s'agit ici, absolument pas de ridiculiser ou de décrédibiliser ces croyances, seulement de les analyser à la lumière de la lutte environnementale afin de distinguer celles qui peuvent être utiles et celles qui peuvent être moins bénéfiques. C’est ici précisément que mon petit monde spirituel auquel je suis très attaché s’est mis à trembler comme une petite feuille en automne. Je ne vous dis pas mon mécontentement quand j’ai lu que, ça aussi, c’était une manière de fuir la réalité écologique et que je me voilais la face…Mais, bien heureusement, une fois mon petit égo ravalé, j’ai pu comprendre le raisonnement : en effet, si je ne fais que croire que tout va bien, que l’Univers s’occupe de tout pour moi tant que je lui envoie mes bonnes ondes et que je me remplis de gratitude et d’amour tous les matins, est-ce que je fais réellement face à la réalité catastrophique m’entourant? Ne serait-ce pas qu’une simple manière de m’y adapter en me créant une petite bulle interne, privilégiée et idéaliste de bien-être mental afin de ne pas étouffer et ne pas succomber à l’éco-anxiété? J’ai d’ailleurs toujours eu cette sensation désagréable que quelque chose clochait et j’ai toujours voulu demander l’opinion de Miguel Ruiz et Maud Ankaoua au sujet du réchauffement climatique et de l’extinction des espèces…


Bon alors quid? Faut-il tout jeter, brûler ses cartes de tarot et utiliser à présent son matelas de yoga comme paillasson ? Heureusement, la réponse est négative. Il y a, à mes yeux, des aspects très importants et intéressants du développement personnel et de la spiritualité qu’il faut absolument sauvegarder.


Concernant le développement personnel, il est important de souligner que critiquer son caractère individualiste comme ci-dessus, ne signifie absolument pas qu’il faut tout rejeter sur le système et ne plus rien faire à notre niveau. Chaque individu maintient une maigre, mais certes importante, marge de manœuvre et de liberté sur laquelle nous avons le choix, ou même la responsabilité d’agir. Produits de nos sociétés, nos institutions et nos éducations et pétris des croyances qu’elles nous ont inculqués, nous pouvons nous développer personnellement justement en inversant la tendance : en remettant en cause ces systèmes et ces croyances, en faisant un travail d’introspection afin d’agir sur nos comportements, nos manières de penser et d'interagir avec les autres. Ainsi, sans attendre que le monde ne change, nous pouvons contribuer à son changement en refusant d’être des marionnettes de son état lamentable. Plutôt que de poursuivre dans ses injonctions à la haine, la violence et l'individualisation, nous pouvons tenter de contribuer à plus d’amour, d’entraide et de solidarité. Ceci peut passer par des outils de développement personnels concrets tels que la communication non-violente et les modes alternatifs de gouvernance. Se développer personnellement et utilement de manière lucide et en prenant garde à ne pas tomber dans l'écueil individualiste est dont tout à fait possible.


De plus, le développement personnel et ses outils ont cela de bon qu’ils nous permettent de nous armer et nous procurer un peu de calme dans le chaos et la violence que le monde actuel produit. La preuve des bienfaits de la méditation et/ou de loisirs manuels tels que la couture sur la santé mentale en sont une illustration et dieu sait qu’il faut être bien mentalement pour pouvoir résister efficacement.


En ce qui concerne la spiritualité, outre le fait que je pense que l’Humain est une espèce foncièrement spirituelle et que nous ne pouvons nous défaire de cette nature, je crois en une spiritualité de résistance qui peut s’avérer beaucoup plus complète et épanouissante que la spiritualité individualiste et naïve qui nous est vendue beaucoup trop souvent par l'Happycratie susmentionnée. En effet, plutôt que centrée seulement sur sa petite paix intérieure et complètement dépolitisée, une spiritualité résistante pourrait être envisagée telle que nous reliant “à quelque chose de bien plus grand que nous”. Quel que soit le nom que vous lui donnez, le Grand Mystère, la Déesse, une force supérieure, cette entité peut nous aider à nous défaire de nos souffrances, de nos pertes, de notre épuisement et nous donner le courage et la vigueur de combattre pour la justice. Les mots clés ici sont “bien plus grands que nous”. (...) un système spirituel digne de ce nom doit, en fin de compte, nous orienter vers l’extérieur et non vers l’intérieur, prodiguer une expérience d’amour ou de grâce qui transcende notre douleur personnelle et nous relie à un monde plus vaste - humain planétaire, et cosmique- pour nous inciter à agir”.


En d’autres termes, une spiritualité d’Amour (eh oui, le revoilà) pour soi, pour les autres vivants, pour le monde, qui honore notre place de vivant parmis les vivants (perspective Biocentriste à propos de laquelle nous parlerons dans le prochain Atelier Résistance, eh oui, on vous tease encore!) qui amènerait à pouvoir faire face à la crise écologique, en puisant force, courage et détermination dans cette unicité, cette énergie mystique qui nous lie et nous traverse tous pour préserver et protéger ces milliers de petits miracles que nous sommes et desquels nous pouvons être témoins tous les jours.


Allé, retour au matelas de yoga! Spirituellement vôtre et bon dimanche!



Citation : Deep Green Resistance, un mouvement pour sauver la planète, tome 1, Derrick Jensen, Lierre Keith, Aric McBay paru aux éditions libres, p. 129.

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